Élisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse, vient de prendre position sur le suicide et la pédophilie. Elle plaide pour la philosophie des lumières, et souligne justement que Sarkozy n’a pas choisi des pathologies pour lesquelles les prédispositions génétiques font débat comme l’autisme. Il a choisi d’évoquer deux actes sans point commun et justement sans prédisposition génétique particulière.
Ces actes sont tellement multiples, variés, qu’on ne peut justement pas les unifier par un gène.
« Certes, le suicide est universel, mais il a de multiples facettes. Osera-t-on comparer l'attitude d'un Pierre Brossolette préférant se donner la mort plutôt que de parler sous la torture, avec l'immonde suicide collectif des chefs nazis dans leur bunker, choisissant l'autodisparition plutôt que la confrontation avec leurs crimes ? Le suicide d'un adolescent rebelle à sa famille ressemble-t-il à celui d'un malade incurable qui décide d'en finir avec ses souffrances ? Certainement pas », indique-t-elle.
Contre le travail de la pensée et des lumières, Roudinesco discerne de la part de Sarkozy la volonté d’allier le « gourdin et de la belle âme ». C’est une utilisation politicienne de la biocratie, une tendance politique démasquée par Michel Foucault. C’est-à-dire, une perversion de la science par la police.
Ne politisons pas la génétique !
Par Élisabeth Roudinesco Publié le 13 avril 2007 Par Élisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse. Qu'il parle de gènes ou qu'il prétende réinventer le vieux débat sur l'inné et l'acquis, à coups de références à la plasticité cérébrale, Nicolas Sarkozy, sur le fond, n'a pas changé d'avis. Il continue à croire que la pédophilie et le suicide résulteraient d'une disposition génétique. Il a l'air de ne pas se soucier d'avoir désormais contre lui les représentants de l'Église catholique, les généticiens et les humanistes athées ou chrétiens. Les uns pensent que si un pédophile est ainsi désigné par ses gènes, on le transforme en un être irresponsable, inapte à être jugé ou sanctionné. Les autres soulignent au contraire qu'en se réclamant d'un tel déterminisme, on méprise la philosophie des Lumières qui a toujours affirmé que le pire des hommes pouvait être rééduqué par la raison. Qu'un candidat à l'investiture suprême puisse parfois se montrer impulsif, cela est pardonnable dans le contexte d'une campagne où il est lui-même stigmatisé de façon scandaleuse par la famille Le Pen, en tant que fils de l'immigration. Mais rien ne saurait excuser l'arrogance avec laquelle il revendique une opinion absurde. Il n'a pas soutenu que telle ou telle maladie mentale - autisme, schizophrénie, etc. - puisse relever d'une prédisposition génétique, ce qui fait débat aujourd'hui. Non, il a choisi deux catégories d'actes - la pédophilie et le suicide - qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre mais qui ont pour seul point commun de ne relever d'aucune sorte de prédisposition génétique. Nicolas Sarkozy a donc réussi le tour de force de récuser, peut-être à l'insu de son plein gré, les principes de la religion dont il se réclame, l'héritage humaniste dont il devrait être le garant et le discours de la science dont il ne cesse de valoriser les acquis. Connue depuis la nuit des temps, la pratique de la mort volontaire a toujours existé dans toutes les sociétés. Et si le mot n'est apparu que tardivement (entre 1636 et 1734), il a fallu attendre la fin du XIXe siècle pour que cet acte, considéré comme héroïque dans le monde antique et le Japon féodal, puis diabolisé par le christianisme, soit regardé, dans les démocraties modernes, comme une pathologie de type dépressif liée à un environnement psychique ou social. « Certes, le suicide est universel, mais il a de multiples facettes. Osera-t-on comparer l'attitude d'un Pierre Brossolette préférant se donner la mort plutôt que de parler sous la torture, avec l'immonde suicide collectif des chefs nazis dans leur bunker, choisissant l'autodisparition plutôt que la confrontation avec leurs crimes ? Le suicide d'un adolescent rebelle à sa famille ressemble-t-il à celui d'un malade incurable qui décide d'en finir avec ses souffrances ? Certainement pas ». Quant à la pédophilie, elle n'a été criminalisée - à juste titre, d'ailleurs - que depuis un siècle. Considéré aujourd'hui comme un pervers sexuel, le pédophile est certes psychiquement malade. Mais il n'est ni fou, ni pénalement irresponsable (au sens de l'article 122 du Code pénal). Quand on ne croit qu'à la causalité génétique, on peut jouer les docteurs Folamour, façon Orange mécanique, et traiter les déviants par des châtiments corporels (castration ou amputation) ou par des addictions à la normalité. Cela se fait, cela est horrible et inefficace. Mais on peut aussi soigner dignement, et avec succès, les pédophiles par des psychothérapies qui leur permettent, sinon de guérir de leur perversion, du moins de la contrôler et de ne pas y céder. Cela n'empêchera jamais l'existence de récidives. La société sans risques n'existe pas, puisque la condition humaine est traversée autant par sa passion de l'idéal du bien que par son envers : l'amour de la haine. Nicolas Sarkozy n'est ni antisémite ni l'adepte d'une quelconque vieille droite française chauvine et xénophobe, même s'il rêve de la domestiquer. Il est plus simplement l'imitateur d'une école de pensée bien connue, le néoconservatisme extrême, aujourd'hui désavouée par plus de la moitié du peuple américain et par ses élites à cause de ses résultats politiques et économiques désastreux. Aussi bien adhère-t-il à une vision de la société centrée, d'un côté, sur l'utilisation policière des communautarismes ethniques et religieux et, de l'autre, sur la biocratie, laquelle consiste à pervertir les données de la science pour faire croire en l'idée qu'une société pourrait être entièrement nettoyée de ses éléments indésirables : l'alliance du gourdin et de la belle âme. Nicolas Sarkozy s'étonne toujours de l'image que la société lui renvoie de lui-même : « On me dit que je fais peur, dit-il, on me prend pour un monstre. » Assurément, il ne l'est pas. Aurait-il peur, cependant, de l'idée que la peur qu'il croit susciter chez autrui soit à ce point ancrée dans ses gènes qu'il ne saurait comment y remédier ?
1 commentaire:
Les principes de la Religion dont on se réclame crée : des isthmes!
"Ah! t'es isthme?" a pu dire Monsieur Bayrou à Monsieur Sarkosy!
"Oui, je crée Déisme" dit Nicolas.
Jim Courbis
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