1/04/2007

Pour Strindberg, le suicide est un acte imposé

Strindberg a été considéré comme « souvent à la limite de la paranoïa », voir. Mais ce qu’il a dire sur le suicide, même court, est peut-être utile pour nous. Strindberg pense en effet qu’il s’agit d’un « acte imposé ».

Laissons parler Strindberg :

« Du suicide

Le suicide est unanimement considéré comme un péché mortel, et c'en est un. Le défunt est couvert d'opprobre qui l'atteint même de l'autre côté de la tombe. Toutefois, les hommes ne devraient pas s'acharner sur le malheureux, car ils ne connaissent pas ses derniers instants. Dans la plupart des cas, le désespéré obéit à un appel irrésistible et passe à l'action pour éviter un désastre encore plus grand.

Dante rencontre Caton le vieux et Lucrèce non pas parmi les suicidés, mais dans un lieu particulier où ils jouissent de la considération de tous. Le poète excuse leur geste en expliquant que Lucrèce préféra mourir que vivre outragée, que Caton quitta le monde du péché pour ne pas tomber plus bas.

Depuis l'âge de neuf ans, l'auteur de ses lignes a souvent songe à se délivrer lui-même de cette vie de misère. Même en retrouvant la foi, il avait éprouvé cette envie, et il avait prié Dieu de lui permettre ce geste. Il finit même par le ressentir comme une action louable que le Seigneur exigeait de lui comme preuve de sa confiance. Ce serait montrer qu'il rêvait d'une existence pure, qu'il était pressé de rejoindre le Père, persuadé d'avoir été appelé par Celui qui attendait les bras ouverts son enfant repenti.

Mais je ne défendrai pas le suicide, même si j'ose croire que ceux qui réussissent à se tuer sont pardonnés, alors que ceux qui échouent ne le sont pas.

Si l'appel est irrésistible, il n'est plus question d'avoir ou ne pas avoir le choix. C'est un acte imposé, et le malheureux n'en est pas moralement responsable.

Arrêtons donc de ressasser qu'il est plus courageux de vivre que de mourir. Il ne s'agit pas de courage, c'est hors sujet. Pour celui qui met fin à ses jours, ni le courage ni son absence ne sont en jeu : il le fait, un point c'est tout. Et pour le qualifier, il n'existe qu'un seul mot approprié : « malheureux » - ainsi tout est dit [1] ».


[1] - Strindberg A., Un livre bleu, l’Herne, 2006, p. 215-216

Aucun commentaire: