5/30/2007

Actes et passage à l'acte, le 22 juin 2007

Prendre contact avec Alain Bellet (0660672035)

De 9h15 à 17h à la Chapelle de l’Hôpital de Ville-Evrard 202, Av. Jean Jaurès à Neuilly sur Marne. R.N. 34. (RER A, Neuilly Plaisance +Bus 113)

Journée assurée par les crédits généraux de la Formation Permanente de l’Hôpital. Pour toutes les personnes concernées, remplir une liasse « Formation Permanente » et la transmettre le plus tôt possible au Service de la Formation Permanente. Pour toutes les autres personnes, accès libre mais nécessité d’informer de votre venue le Service de la Formation Permanente le plus tôt possible également: 0143093475


Acte et passage à l’acte

Comme au début du 19ème siècle, l’acte (criminel) constitue toujours un horizon indépassable de la pratique de la psychiatrie, via l’expertise, l’hospitalisation sous contrainte, la question de la responsabilité (celle des patients, mais celle aussi des médecins et des institutions à l’égard de la justice et du public). Sans nier d’ailleurs la menace concrète que font peser un certain nombre de psychotiques (car nous ne discuterons pas spécifiquement de l’acte dit « pervers »), on oublie cependant que les premières victimes de ces passages à l’acte sont les malades eux-mêmes, dont le suicide est une cause majeure de mortalité. Au quotidien, c’est bien davantage cette issue que redoutent nos services, et bien moins des crimes contre autrui statistiquement bien plus rares. Aussi appelle-t-on régulièrement à une « clinique de l’acte » dont le but serait de fournir les critères de son imminence, voire les moyens de le prévenir. Hélas, l’acte, par définition, impose son après-coup. L’après éclaire l’avant, et encore ! il semble extrêmement difficile de généraliser l’expérience des signes avant-coureurs de l’acte d’un malade à l’autre. C’est que l’acte n’est sûrement pas réductible à une crise qu’on voit venir comme la fièvre qui monte. L’angoisse n’est pas un simple ressort biologique susceptible de se détendre soudain, et les sujets ne s’essayent pas à l’acte en trahissant quelque chose comme des intentions dont on puisse s’alarmer. Les concepts médicaux ordinaires s’avèrent ici particulièrement inutiles en psychiatrie, parce que penser en termes de processus, ou appliquer une psychologie du sens commun, voilà ce que mettent justement en échec l’acte et le passage à l’acte. La psychiatrie classique n’était pas sans outils pour spécifier les situations de danger, et elle savait justifier avec un degré respectable de vraisemblance les décisions de surveiller ou de laisser libre tel ou tel malade. Avec le recul de cette clinique, qu’on n’apprend pas juste dans les livres, et la modification des circonstances institutionnelles (médico-légales), la tentation s’est avivée de recourir à un traitement statistique de la dangerosité, et, vu qu’on ne sait plus grand-chose au niveau des individus, de les « traiter » en masse, avec toutes les conséquences qui s’ensuivent : retour des pratiques coercitives appliquées au nom du principe de précaution, protocoles impersonnels, juridisme minant les liens de confiance entre les soignants, les familles, et des patients parfois menaçants, mais le plus souvent plus pour eux-mêmes que pour les autres. A moins qu’il ne faille prendre les choses par un tout autre bord, au risque, assumé, d’un autre discours sur l’acte et le passage à l’acte. C’est celui que nous prendrons en sollicitant des cliniciens aguerris aux questions du crime et du suicide, psychiatres et psychanalystes, en leur demandant de préciser quel sens ils donnent aux notions fondamentales qui semblent baliser le champ de toute réflexion sur l’acte, et de nous expliquer comment la façon dont ils les entendent oriente leur pratique. Si la psychanalyse en effet fait une différence, c’est en imposant qu’on distingue le sujet d’un acte du simple agent d’une action (même si cette action est intentionnelle, suit un plan, exige des choix, etc.). Du coup, on comprend pourquoi certains actes n’ont pas de sujet, mais témoignent au contraire de la défaillance de tout sujet, et jaillissent, pour ainsi dire, à partir de cette défaillance. Qu’appelle-t-on alors acte ? Quel lien entretient l’acte à l’action (motrice), à l’angoisse, à l’acting-out (dans le contexte d’une cure), puis au passage à l’acte ? Qu’est-ce qu’un automatisme ? Comment un agir est-il coordonné à un délire ? L’est-il toujours ? Peut-on penser un acte seul, sans un contexte de discours, et ce « dire » perdu qui sous-tend l’acte est-il dans tous les cas un dire délirant ? A partir de quel âge, d’autre part, peut-on poser un acte ? Et passer à l’acte ? Pour répondre, il faudra sans doute explorer plus avant les circonstances de l’acte. La clinique impose alors de flirter avec des catégories morales : choix libre ou choix forcé, acte réussi et acte « manqué », contingence ou fatalité, récidive ou répétition, « mort volontaire » et jouissance de la vie, acte comme geste muet et acte « de parole ». La leçon qu’on en retire le plus souvent, c’est que si l’acte n’est pas tellement ordonné à des signes (comme un symptôme en médecine), il l’est en revanche à coup sûr à des signifiants : ceux qui se renvoient l’un à l’autre, dans certaines boucles mortelles, le destin d’un sujet qui ne peut se sentir vivre qu’en obéissant à ce destin qu’ils lui dictent, mais qui, parfois, font de lui un pur objet, un cadavre déjà, qui tombe de ne s’être nulle part accroché à cette ronde. Ce que dit Freud, d’ailleurs, est-il si vrai : que le sujet ne croit pas à sa mort. Ces questions posées, d’autres surgissent. Ouvrent-elles la possibilité de faire quelque chose de l’après-coup ? Quand le suicide en est resté à la tentative, que faire, qui « prenne acte » de l’acte qui s’est imposé chez le sujet. Le faire parler ? Sans doute, mais comment, alors, ne pas induire la répétition de l’acte raté ? Faire parler n’a probablement de sens que si l’on aboutit à la production d’un savoir nouveau, là où un dire informulable s’était fait acte. Est-ce possible, et à quoi ressemblerait un tel savoir d’après l’acte, si l’acte a été commis précisément pour n’en rien savoir ? Après avoir ri, enfin, de la pauvreté des critères psychologisants ou statistiques de l’acte, peut-on revenir sur la difficulté ? La psychanalyse propose-t-elle d’autres critères, plus subjectifs, de ce qu’il faut craindre ? Et ces critères, comme ces pratiques nouvelles du suivi de l’acte (de la tentative de suicide, et pourquoi pas ? de la tentative de crime), sont-ils entendables au-delà du cercle des professionnels, dans l’institution judiciaire ou la vie sociale en général ? Nous avons finalement pensé que ces questions, toutes ambitieuse qu’elles soient, méritaient de résonner encore dans l’enceinte de l’hôpital, parce que l’intolérance au risque, l’aversion pour l’imprévisible et la conjuration systématique de toutes les menaces contre les personnes et les biens, si typiques de nos sociétés, ne devaient pas émousser ce que les passages à l’acte nous apprennent, et qui est une certaine vérité sur nous.


Les intervenants et leurs textes

Matin: modérateur, Pierre-Henri Castel

Daniel Zagury (psychiatre, expert auprès des tribunaux), psychanalyste: Le recours à l'acte

Jean-Jacques Tyszler (psychiatre, psychanalyste, membre de l'ALI): Le point d'acte : entre le passage à l'acte et l'acting out.

Geneviève Morel (psychanalyste, membre d'ALEPH): Rencontres fatidiques

La vie d'un criminel paraît souvent incroyable : l'accumulation de mauvaises rencontres et de hasards invraisemblables donne l'impression d'une détermination opaque qui nous échappe. On parle alors du destin. Mais n'est-ce pas là une notion transcendante, eschatologique et donc religieuse ? La psychanalyse nous permet-elle une approche rationnelle du destin ?

Franz Kaltenbeck (psychanalyste, membre d'ALEPH): La part de la contingence dans la causalité d’actes délinquants et criminels.

J’essaierai de montrer, à propos de quelques récits cliniques, qu’un élément contingent, une expérience de jouissance du sujet, peut amener à un acting-out ou un passage à l’acte, que les seules surdéterminations pathologiques, familiales, sociales du sujet ne peuvent pas expliquer.

Après-midi, table ronde, modérateur: Alain Bellet:

Corinne Tyszler (psychiatre, psychanalyste, membre de l'ALI): Quel acte du praticien face au passage à l'acte de l'adolescent ?

Marie Jejcic Maître de conférence à Paris XIII et Hervé Bentata (Psychiatre, psychanalyste, membre de l'ALI) : L’adolescent dans la communauté éducative. Du passage à l’acte des Uns à celui des Autres, quel pas ?

L. Sciarra (psychiatre, psychanalyste, membre de l'ALI): Du tac au tac : le passage à l'acte, une réponse dans le réel.

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