11/01/2006

Les suicides dans les puits sont-ils des suicides d'hommes ?

Les suicides dans les puits sont-ils des suicides d’hommes ?

Dans le très joli post de François Bon, nous apprenons que les puits étaient utilisés par ceux qui se suicidaient billet. Dans les îles certainement, mais ailleurs aussi.

Le papa de François Bon, « mécanicien affecté d’office aux pompiers volontaires », précisait : « c’étaient des suicides d’hommes ».

Des suicides d’hommes….

Y-a-t-il des suicides d’hommes et des suicides de femmes ? Si l’on en croit Freud : peut-être.

Mais, justement, un puits, dans cet ordre d’interprétation freudienne, ce serait plutôt un suicide de femme. Car, un puits, c’est un endroit d’où l’on peut se jeter.

Dans « Sur la psychogenèse d’un cas d’homosexualité féminine », Névrose, psychose et perversion, PUF, Paris, 1974, p. 261, note 2 : « Ces interprétations du mode de suicide par des accomplissements de désirs sexuels sont depuis longtemps familières à tous les analystes (s’empoisonner = devenir enceinte ; se noyer = enfanter ; se précipiter d’une hauteur = accoucher) ».

Certes.

Les hommes, pour Freud, utiliseraient d’autres moyens. Dans « Les premiers psychanalystes, Minutes de la Société psychanalytique de Vienne », trad. N. Bakman, Gallimard, Paris, 1978, II, séance du 24 03 1909, p. 180-181 : « La différence dans la forme de suicide choisie par les deux sexes illustre que le symbolisme s’étend jusqu’à la mort. Le choix des moyens du suicide révèle le symbolisme sexuel le plus primitif, que nous connaissons depuis longtemps. Un homme se tue avec un revolver, c’est-à-dire qu’il joue avec son pénis, ou bien il se pend, c’est-à-dire qu’il devient quelque chose qui pend de toute sa longueur, un « pénis » (« pendere ») ».

Mais, justement, Freud ne parle pas du cas des puits…

A moins de sur-interpréter : un homme qui fait de son corps un énorme pénis, s’introduit dans un corps troué comme un puits…. ? Il y a dans ce genre d’interprétation quelque chose qui ne colle pas.

Et d’abord, est-ce que : puits=homme ? Que dire d’un transsexuel ? S’il se jette dans le puits, le fait-il en tant qu’homme ou tant que femme ? Un puits ne peut rien en dire. Il y faut en effet un tiers qui colle l’étiquette « homme » ou « femme ».

En l’espèce, c’est l’expérience du papa de François Bon qui, selon sa pratique de pompier volontaire, permet d’affirmer que « c’étaient des suicides d’hommes ».

Ainsi, le moyen du suicide est comme l’une de ces portes sur lesquelles est posé un petit panneau qui peut changer selon le sexe des personnes. Ici, toilettes femme, là, toilettes hommes. C’est selon. Les toilettes sont des toilettes, sans distinction de sexe, et à défaut d’une pancarte qui nous renseigne fort opportunément, il est impossible de savoir si ce sont des toilettes d’homme ou de femme. La différence des sexes est une question de signifiant.

L’interprétation oedipienne montre ses limites. Elle ne suffit pas à rendre compte des motifs inconscients du suicide.

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