11/02/2006

Les historiens ne peuvent atteindre les raisons profondes du suicide

Les historiens ne peuvent atteindre les raisons profondes du suicide

Les études historiques sur le suicide sont très intéressantes mais, elles sont marquées par leur impossibilité à « atteindre les raisons profondes qui conduisent un individu à mettre fin à ses jours ». Les historiens ne savent donc rien de ces « raisons profondes ».

L’étude de Dominique Godineau est pourtant très intéressante. Godineau examine le suicide en France au cours du 18ème siècle[1]. Pour cela, elle a lue les archives de la Préfecture de Police de Paris de l’époque. Elle estime que la proportion de suicide pendant la révolution est la même que celle qu’elle trouve pour l’ancien régime et que celle que Richard Coob a calculée pour la période du Directoire.

En référence à mon précédent post, je remarque que Godineau pense que « les femmes « préfèrent » quand à elles sauter par la fenêtre ou se noyer en se jetant dans la Seine ou dans un puit ».

A cette époque, il est très rare, « exceptionnel même, qu’un individu, homme ou femme, soit complètement isolé, sans lien aucun avec sa famille, son voisinage ou ses camarades de travail, dont les témoignages figurent quasiment toujours dans les procès-verbaux des commissaires ». Dans l’ensemble, « la population ne montre pas de réprobation marquée, de condamnation du suicidé, mais plutôt de la compassion ». « On va le voir (le corps du suicidé) et on en parle ».

Ce qui tranche avec les nombreux commentaires actuels sur la « présumée » condamnation du suicide par l’entourage ou l’opinion.

Voilà un sujet d’étude : ceux qui de nos jours, sont vraiment isolés et se suicident…. Comment en parler sans les connaître ?

Godineau considère que le suicide est le « reflet des dysfonctionnements » de cette société. Il apparaît que le suicide est conçu comme ce qui « prive la société » de l’un de ses membres. Les suicidés veulent « se soustraire » à quelque chose : la tyrannie, l’échafaud, la loi, le gouvernement, etc…

A l’inverse, faute de pouvoir « atteindre » les profondeurs de l’acte suicidaire, Godineau se consacre à étudier les suicides politiques. Même si ceux-ci « ne représentent pas la majorité des morts volontaires pendant la Révolution ».

C’est ainsi que la discipline historique se fait évaluatrice. Elle en vient à « mesurer » la politisation de la population parisienne à travers ses suicides et ses variations selon les évènements politiques. Si bien que Godineau trouve ce qu’elle cherche : le suicide politique est « le geste de référence, l’issue honorable et quasi attendue devant l’échec et la défaite politique ». Le suicide politique est pensé comme « de l’ordre du possible, voire du probable ».

Saviez-vous qu’il n’y avait « quasiment pas un salon de peinture de la décennie 1790 où ne soit exposée une toile représentant un suicide de Romain » ?

Après une telle étude, il reste effectivement à chercher « l’image que l’on a de soi ou d’un proche et celle que l’on veut laisser »…


[1] - "Pratiques du suicide à Paris pendant la Révolution française", French history and civilization, article à la page texte du site

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