1/18/2007

Aby Warburg

En 1918, Aby Warburg menace de se tuer et de tuer ses proches. Il se croit responsable de la défaite allemande, il a des hallucinations : « trois enfants ont été enfermés dans la salle de billard, ils n’avaient plus que la peau et les os ». Il croit que ces enfants ont été massacrés et qu’il les a dévorés !

Davide Stimilli vient de faire paraître l’histoire du traitement d’Aby Warburg[1]. Il est hospitalisé à la clinique Bellevue de Kreuzlingen, en Suisse, le 21 avril 1921, c’est Binswanger qui le soigne. On peut lire : «Raconte qu'on va bientôt l'exécuter ; que l'oeuvre qu'il fait imprimer en ce moment sera mise au pilon parce qu'on le tient pour un criminel, et que l'on a déposé du poison dans sa nourriture.»

Waburg est l’inventeur d’une nouvelle science : l’iconologie. « A l'époque où il soigne Warburg, Binswanger n'est pas encore Binswanger, et laisse voir quelques attitudes psychiatriques réductrices ou objectivantes ­ mais aussi la percée d'une «communication existentiale», fondée sur l'écoute et l'empathie. Dans une lettre au philosophe Martin Buber, il distingue guérison (Heilen) et salut (Heile), thérapie et soin de l'âme (Seelsorge). On ne sait s'il a guéri ou sauvé Warburg. Aussi, dans la Guérison infinie, est-ce surtout la personnalité d'Aby Warburg qui émerge. Celui-ci est persuadé que sa guérison coïncidera avec la possibilité retrouvée de se consacrer à son travail scientifique. D'où le pari, formidable, qu'il lance : pour (é) prouver sa guérison, il demande l'autorisation de faire une conférence à la clinique, «devant un public de non-spécialistes ». Il la donne avec succès le 21 avril 1923. Elle porte sur le «rituel du serpent» ­ et exploite tout le matériau anthropologique recueilli lors de son voyage chez les Indiens, vingt-six ans auparavant. De cette conférence, qui explore les origines du paganisme et de la magie, jusqu'aux liens avec l'art du Quattrocento, Ernst Gombrich dira qu'elle «contient en réalité la formulation la plus explicite que Warburg ait jamais donnée de ses idées ».

L’article de Robert Maggiori dans Libération.


[1] - Ludwig Binswanger, Aby Warburg La Guérison infinie, Edition établie par Davide Stimilli, postface de Chantal Marazia, traduit par Maël Renouard (allemand) et Martin Rueff (italien), Bibliothèque Rivages, 2007

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