5/25/2007

Le Zen contre le suicide

Au gré des mon parcours sur le net, l’annonce tonitruante d’une « nouvelle » thérapie du suicide m’a arrêté un moment. C’est un faux scoop promu à coup de « preuves d’efficacité » et d’études « contrôlées ». Le Dr Marsha Linehan de Washington prétend avoir inventé une méthode de « traitement » du suicide. Cette méthode inspirée par la philosophie Zen se fond dans le mouvement américain « New age ».

Voilà pour la prétendue « nouveauté » de cette approche qui n’est qu’une resucée de la philosophie bouddhiste millénaire recyclée au profit de la société de consommation américaine. Il s’agit en effet de faire taire les patients « rebelles », d’imposer le comportementalisme à ceux qui sont « trop bouleversés pour accepter d’être aidés » et de calmer les « impulsifs ». Le Dr Linehan leur promet rien de moins qu’une « vie très agréable » ! Le bonheur sur terre quoi. Maîtrisez-vous et nous vous donnerons le bonheur !

Que les thérapies cognitivo-comportementales soient inefficaces dans le traitement du suicide et de bien d’autres symptômes, on le savait déjà. Le Dr Linehan ne vient que confirmer l’évidence. Si vous prétendez laver plus blanc que le blanc, ce n’est pas que votre blanc n’est pas si blanc. C’est votre machine à laver qui déconne. Cela ne fait que souligner votre approche publicitaire de la souffrance. Cela montre que rien ne peut se faire en psychothérapie sans une demande.

Ceux qui veulent mourir sont à l’opposé. Ils refusent d’en savoir quelque chose et ils ne demandent pas à vivre dans un monde de machines à laver.

Du coup, la thérapie cognitivo-comportementale est hors jeu. Que ces thérapeutes accusent leur patient d’être « rebelle » et prétendent qu’il est le « problème » ne trompe pas sur leur impuissance devant le passage à l’acte suicidaire. Ah, si le patient n’était pas un « rebelle suicidaire », oh combien serait beau le cognitivo-comportementalisme…. A l’ouest, rien de nouveau.

Les différences entre le Zen et le cognitivo-comportementalisme sont instructives. Dans la série des techniques de psychothérapie inspirées du Zen, il y a la position de « non-jugement », « l’acceptation radicale du suicide (« tu veux te suicider, je suis d’accord avec toi ! »), la « danse » entre le patient et le thérapeute suggérant une communion dans une jouissance océanique de la thérapie qui explique que le Zen cherche « le plaisir de la joie » et la « transcendance ». Le Zen promet le Nirvana pour tous.

La vraie nouveauté, c’est l’alliance objective entre les cognitivo-comportementalistes et les psychothérapies Zen. Pourquoi le Zen viendrait-il au secours du comportementalisme quand il échoue ? Quel est leur intérêt commun ?

Ce qui est visé par la technique new age, c’est une sorte de spiritualité dont la série des Stars Wars nous donne une idée. Slavoj Zizek1 a souligné ce lien objectif entre le Zen et le capitalisme à l’américaine. « La force est en toi » pour l’idéal américain du « tout est possible à celui qui entreprend », « le côté obscur de la force » qu’il s’agit de maîtriser pour accéder à la sagesse du Jedaï par une longue initiation élitiste pour devenir un capitaine d’industrie, etc…

Le fait que le cognitivo-comportementalisme et le Zen cherchent tous les deux à maîtriser l’inconscient et les pulsions, plus qu’une alliance tactique dans une lutte pour le pouvoir dans le « champ du mental » et de ses psychothérapies, montre que tous les deux, à l’état d’une ébauche pour le cognitivo-comportementalisme et de façon plus marquée pour le Zen, sont les supports d’une culture orientée par le consumérisme. De fait, celui qui décide de mourir pose effectivement un gros problème. Il semble incarner la figure résistante par excellence faisant objection à la quête du bonheur. Il n’en veut pas !

1- Zizek S., La marionnette et le nain, Paris, Seuil, p. 27 à 40, « Pour que la réalité tempérée et apaisante de l’univers bouddhiste existe », il faut « exclure la dimension de l’acte », p. 28

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Extraits de l’article du Courrier international

Par Elisabeth Berthou le 10 août 2004

« Dans l'univers bouillonnant des psychothérapies est apparue récemment, du côté de Seattle, la thérapie dialectique-comportementale, sous l'impulsion du Dr Marsha Linehan, clinicienne et chercheuse à l'université de Washington. Depuis des années, les psychothérapeutes ont certes à leur disposition un éventail de techniques pour aider leurs patients, rappelle l'International Herald Tribune, qui souligne toutefois que “même les meilleures thérapies se révèlent peu efficaces si les patients se montrent trop rebelles, trop désespérés ou trop bouleversés pour accepter d'être aidés”.

(…)

“C'est après avoir pris l'engagement de changer et de démontrer leur capacité à résister à des bourrasques émotionnelles que les individus commencent le mieux à apprendre les techniques de comportement et à trouver des repères sociaux”, conclut l'Herald Tribune. Ces nouvelles acquisitions attestent le fait qu'ils peuvent réussir à vaincre la dépression, l'angoisse ou d'autres désordres psychiques. Au-delà, la thérapie dialectique induit même que les patients peuvent “apprendre à avoir une vie très agréable plutôt que simplement acceptable”.

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