8/23/2007

Cher Brice H.: attention au suicide...

Se retrouver expatrié, avec ou sans papiers, n'est certainnement pas l'expression d'un choix libre. On y est poussé car on n'y voit pas d'autre solution. Alors, si cette solution devient à son tour impossible, que reste-t-il ? Un rapport de la Croix-Rouge au Danemark indique que l'année dernière, "41 des 2 415 demandeurs d'asile hébergés dans les neuf centres de la Croix-Rouge danoise ont tenté de se suicider". Le problème se situe à un niveau européen. Ce qui n'empêche pas le cynisme en politique, même en France. Le téléchargement de l'article étant impossible, je le recopie ci-dessous.

Au Danemark, le désespoir des réfugiés...

Depuis 2001, sous la pression de l’extrême droite, le pays a durci sa politique d’immigration.

La route qui mène au centre de réfugiés de Kongelund, à une douzaine de kilomètres de l’aéroport international de Copenhague, est interminable. Après une longue ligne droite à travers champs, le bus s’arrête enfin devant des bâtiments préfabriqués blancs. Pas de portail, ni de garde à l’entrée. Les demandeurs d’asile peuvent aller et venir à leur guise. Seul le vrombissement assourdissant des avions, qui survolent le centre en permanence, rappelle le retour qui attend les trois quarts des résidents du centre, déboutés par les autorités danoises. Troubles mentaux. Il y a quelques semaines, un homme a tenté de mettre fin à ses jours en avalant un tube de comprimés. Sans l’intervention du gardien de nuit, il serait mort. Rien d’exceptionnel, puisque l’an dernier 41 des 2 415 demandeurs d’asile hébergés dans les neuf centres de la Croix-Rouge danoise ont tenté de se suicider. Un taux trois fois plus élevé qu’en 2001. Le docteur Ebbe Munk-Andersen, médecin chef à la Croix-Rouge, constate en outre une augmentation des troubles mentaux, tels que la dépression, la schizophrénie et le stress post-traumatique. Il affirme y voir «le résultat de l’attente interminable et des ­restrictions qui pèsent sur la vie des réfugiés». Ce phénomène, observe-t-il, s’est aggravé depuis 2001 avec l’arrivée au pouvoir du parti libéral (Venstre) et de son allié au parlement, le Parti du peuple danois (Dansk Folkeparti). A plusieurs reprises, la formation d’extrême droite a su monnayer son soutien au ­gouvernement, poussant à un durcissement de la politique d’immigration et d’asile. «Nous avions de gros problèmes d’intégration et c’était la seule façon de les ­résoudre», justifie Irene Simonsen, députée libérale en charge des questions d’im­­mi­gration. Résultat : un millier de personnes ont obtenu l’asile en 2006, contre plus de 6 000 en 2001. La moitié des demandes étaient approuvées il y a six ans contre moins de 20 % aujourd’hui. Du coup, l’attente se prolonge dans les centres pour ceux qui refusent de rentrer chez eux. Alors qu’ils y restaient un an en moyenne en 2001, ils y passent aujourd’hui souvent quatre ans, voire plus. C’est le cas, notamment, des Irakiens, dont seuls 7 % ont obtenu l’asile en 2006. «Ce qui est incroyable, remarque Tue Magnussen, porte-parole du Centre de réhabilitation des victimes de la torture, c’est que le Danemark, qui participe à la guerre en Irak, y envoie des troupes supplémentaires, mais les Irakiens sont priés de rentrer chez eux, sous prétexte que Saddam est mort.» Le centre de Kongelund accueille les personnes les plus mal en point. Il a mauvaise réputation chez les demandeurs d’asile. «Quand on leur propose une place, ils commencent par refuser», explique son directeur, Michael Ehrenfels. Mais, précise-il, «s’ils pensent qu’un séjour à Kongelund peut les aider à rester au Danemark, alors ils finissent par venir, ce qui montre l’ampleur de leur désespoir». Une tentative de suicide ou une maladie grave dans la famille peut «suffire» à l’obtention de la protection humanitaire. Jytte Børgesen, infirmière à Kongelund, est désemparée : «Comment peut-on les aider quand nous ne pouvons pas leur offrir la seule chose qu’ils veulent vraiment, c’est-à-dire l’asile ?» Citoyenneté. Selon le docteur Ebbe Munk-Andersen, les médecins se retrouvent dans une situation extrêmement délicate : de leur diagnostic dépend l’avenir du demandeur d’asile. «Certains proposent même de l’argent à leur médecin pour qu’il les ­déclare suicidaire.» Des collègues cèdent. Pas contre une rémunération, s’empresse-t-il d’ajouter, mais parce qu’ils estiment que «les exigences humanitaires passent avant leur devoir professionnel». Ebbe Munk-Andersen comprend, mais regrette que leur crédibilité en pâtisse. D’autant que, une fois l’asile humanitaire accordé, rien n’est gagné. Tous les six mois, les réfugiés doivent se soumettre à un contrôle médical. Un diagnostic ­favorable et c’est le retour à la case départ. Au bout de sept ans seulement, ils pourront demander la citoyenneté danoise. Mais il leur faudra encore passer un test de langue et de connaissance du Danemark. Or, si les pers­onnes souffrant d’une ­dépression aiguë peuvent bénéficier d’une exemption, les victimes de stress post-traumatiques doivent passer le test. Cette politique fait l’objet de vives critiques de la part notamment de l’ancien Commissaire européen aux droits de l’homme, Alvaro Gil-Robles, mais aussi du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR). Le Danemark refuse de revoir sa copie. «Nous préférons aider les gens chez eux plutôt qu’au Danemark», déclare Irene ­Simonsen. Pourtant, si l’aide publique au développement consentie par Copenhague représentait 1,06 % du PIB danois en 2000, elle n’atteint plus aujourd’hui que 0,8 %. Au Danemark, la résistance s’organise. Plus de 60 000 personnes ont ainsi signé une pétition qui réclame une amnistie pour les demandeurs d’asile arrivés il y a au moins trois ans. Ils seraient environ 800. Le Centre de réhabilitation des victimes de la torture soutient l’initiative. «Nous savons que plus l’attente se prolonge dans les centres, plus les réfugiés sont malades, et plus il est difficile de les soigner», explique Tue Magnussen. Un message qui n’est pas parvenu à infléchir les autorités de Copenhague.

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