4/05/2007

Je ne suis pas assez forte, trop de pression au travail

Isabelle Béal1 a été repêché dans un « bras mort » de l’Ain huit jours après son passage à l’acte.

Ce qui frappe c’est l’incrédulité : on n’imagine pas qu’il soit possible de se suicider à cause du travail » ou encore : « si c’est arrivé à Isabelle, cela peut arriver à tout le monde. Elle faisait partie de ces personnes qu’on n’aurait jamais crues capables d’un tel geste ».

Je crois qu’il s’agit d’un effet de réel.

Comme pour les tours du 11 septembre. Il y a déjà eu de nombreux films de fiction dans lesquels la possibilité d’une attaque terroriste d’ampleur était évoquée. Mais quand c’est arrivé, on n’avait jamais cru que cela soit possible.

Ce genre de réel surprend. Ce qu’on avait imaginé dans les scénarios les plus fous était encore en dessous de ce qui s’est produit.

Car sa famille a bel et bien constaté sa souffrance depuis six mois auparavant. Son mari : « elle ne parlait que de ça » et une collègue : « elle pleurait tout le temps ». Elle « n’osait pas faire de bruit ». Son mari, alarmé à juste titre, lui avait proposé d’essayer de réagir à la tension qui venait de s’accroitre du fait d’un changement de direction six mois avant.

La journaliste insiste sur la réaction des collègues d’Isabelle Béal. Même si Sodexho, sa société, a envoyé une gerbe de fleurs et un représentant de la direction pour son enterrement, son directeur régional prétend qu’elle « n’a jamais fait part de problème particuliers au sein de l’entreprise ». Encore une formulation ambiguë et inutile qui relève du déni pur et simple. Comme je crois l’avoir montré ici et , ce genre de refus est mortel.

On finit par se demander s’il ne vaut mieux pas que la direction se taise plutôt que de laisser penser qu’elle a été sourde à la souffrance d’Isabelle.

Sodexho est une filiale de Renault. Renault : un hasard ?

1- « Je ne suis plus assez forte, trop de pression au travail », par Alice Géraud, Libération du 4 avril 2007

Extraits de l’article

Responsable dans un restaurant Sodexho, Isabelle Béal, 41 ans, s'est suicidée.

«Je ne suis plus assez forte, trop de pression au travail»

Par Alice GERAUD

Libération, mercredi 4 avril 2007

Lyon correspondance

« Isabelle Béal était chef de groupe dans le restaurant d'entreprise Sodexho de l'usine Renault Trucks à Saint-Priest (Rhône), dans la banlieue lyonnaise. Un poste «stressant», disent ses collègues de travail. «Depuis six mois, elle vivait très mal la pression qu'elle devait porter sur ses épaules, elle ne parlait que de ça, mais je ne pensais pas qu'elle en arriverait là», explique son mari Franck Galliano ».

« Selon Nathalie Genevoix, une de ses collègues et amie, Isabelle Béal, fille «compétente et intelligente», subissait une pression importante de la direction de son restaurant. «On lui demandait de se faire respecter et obéir. Ce n'était pas évident pour ce petit bout de femme.» «Depuis quelque temps, elle pleurait tout le temps.» Isabelle Béal avait sous sa responsabilité une quarantaine d'employés, surtout des femmes, et devait assurer l'organisation de 1 500 repas par jour. Entrée comme serveuse chez Sodexho, elle avait peu à peu gravi les marches de l'entreprise. Avec une certaine fierté, mais aussi avec le sentiment de se retrouver souvent prise en étau entre l'équipe, «les filles», ses copines, et la direction de Sodexho ».

Pressions

Selon son mari, « les problèmes remontent à un changement à la tête du restaurant. Depuis six mois, il n'y a en effet plus qu'un seul gérant (au lieu de deux auparavant) et les relations entre Isabelle et lui étaient tendues. Son mari pense qu' «elle n'a pas supporté les charges supplémentaires, les obligations de rentabilité, la pression de son supérieur».

© Libération

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